Cap ou pas cap ? Témoignage de Christine
Christine est toulonnaise. Après une enfance difficile parce que malade et surprotégée par ses parents, elle a ressenti le besoin de “s’exiler en ruralité” pour vivre sa vie. Là, après une dizaine d’années difficiles, elle rencontre le Secours Catholique et la foi. Elle s’engage comme bénévole et n’en revient pas d’être acceptée malgré sa précarité ! Elle découvre qu’elle a le droit de parler et qu’on peut l’écouter. Elle se lance alors dans l’aventure de la diaconie avec le rêve de faire bouger les choses, d’inventer, de créer, et une soif de rencontres et de partage.
Christine arrive en Provence verte et décrit ainsi sa situation « Avant je n’avançais pas, je stagnais dans ma petitesse, dans ma précarité… Ma vie était catastrophique. »
Avant 2010, « je ne savais vraiment pas qui j’étais et je ne savais pas où aller. Je ne savais pas quoi faire. J’étais vraiment perdue et pas stable du tout. Il y avait plein de choses qui n’allaient pas en moi. Je ne me comprenais pas moi-même ».
Elle a quand même eu une vie de famille, des enfants, des compagnons. Sa vie de couple n’a pas marché et ça a été très dur avec ses enfants. Ses deux premières filles sont parties à l’âge de seize ans.
Malgré cela, elle a avancé avec la foi. « Toujours, au fond de moi, j’avais ces trois mots : foi, espérance, charité. Tout le temps dans ma tête. C’était ça avec des hauts et des bas. »
Devant ces difficultés et ce qui lui semblait une impasse, elle s’est réfugiée au sanctuaire Notre Dame de Grâces de Cotignac et « C’est parti de là ! ». C’est au sanctuaire qu’elle a rencontré la veille de son anniversaire un prêtre qui est devenu depuis son père spirituel et qui l’a touché avec ses mots : « un anniversaire, c’est comme une résurrection, une renaissance ». « Je m’en rappellerai toujours » confie-t-elle.
« A cette époque-là, je ne disais rien. Dès que je voulais parler, j’avais des larmes qui coulaient. Je n’arrivais pas à sortir un mot. Et puis un jour, on m’a dit : voilà tu es ici à l’antenne du Secours Catholique, s’il n’y a plus personne à l’antenne, on sera obligé de fermer. Moi en tant que personne en précarité, j’ai dit non, je ne veux pas que ça ferme. Et du coup, j’ai pris l’initiative de devenir responsable de l’antenne, tout en sachant que j’étais une personne en précarité, connue du village, pas appréciée du village. »
« Même si j’ai commencé à avancer depuis 2010, il y a eu des moments de recul. Il y a eu des moments de bas, même au niveau de la foi. J’allais souvent au sanctuaire. Après, je n’ai pas pu y aller régulièrement parce que j’avais plus de voiture. »
Il y a eu le rassemblement Diaconia en août 2013 à Lourdes. « Je n’ai pas pu participer, mais par contre je suivais tout ce qui se passait sur les réseaux sociaux. Je suivais Diaconia 2013 et je disais : oh là, là, il y a quelque chose à faire là. Pour moi, c’était quelque chose d’important. Je disais il y a quelque chose qui peut se mettre en place. »
« C’est en découvrant ce livre sur la Diaconie du Var que je me suis dit, mince mais pourquoi en ruralité on ne pourrait pas faire ça ? Ça a mis du temps. Et grâce au projet Icthus (projet pour développer la diaconie en milieu rural), les choses se sont mises en place. J’espère que ça va continuer. »
« C’est une chose que je ne comprenais pas au départ. Pourquoi dans le milieu urbain, tout fonctionne pour les personnes en précarité. Y’a beaucoup de choses pour les personnes en précarité. Et pourquoi pas en milieu rural. On considère le milieu rural comme une cité dortoir. Pourquoi y’a pas des activités pour les personnes en précarité ? Pourquoi les personnes en précarité n’essaient pas de construire des choses eux-mêmes ? ».
« J’ai fait une formation en tant qu’acteur-témoin (proposée par le Secours Catholique) et j’ai dit c’est notre parole qui peut faire avancer les choses. ». « Lors de cette formation, on nous a demandé d’être un livre humain et j’ai été un titre de livre qui s’appelle : Cap ou pas Cap. Et toute ma vie, je disais que je n’étais pas capable, maintenant je ne le dis plus. Pourtant dans le livre, c’est écrit que je n’étais pas capable de ci, je n’étais pas capable de ça, et là maintenant, je sais que je suis capable de beaucoup de choses. »
« Si je n’avais pas eu ça, je ne sais pas où je serais en ce moment. Je ne sais pas si je ne serais six pieds sous terre, si je ne serais dans un hôpital psy. Voilà, c’est aussi grâce à la foi tout ce qui s’est passé dans ma vie. »
Il y a eu le rassemblement Fratello à Lourdes en 2019. « Je ne devais pas y aller mais j’ai vécu une très mauvaise période à ce moment-là, donc je suis partie avec mes valises. Je me disais, s’il le faut je vais à pied à Lourdes mais j’y vais. Donc j’ai atterri à la délégation du Secours Catholique à Toulon et j’ai dit il faut que j’aille à Lourdes. Je ne sais pas comment faire. Puis le lendemain on m’a dit s’il y a une place qui se libère, tu viens à Lourdes. Non j’dis ça n’est pas possible. Et le matin, à cinq heures du matin, on m’emmène au bus et une place était libérée. »
En 2022-2023, elle suit la formation OSEE qui est une formation pour reconnaître les savoirs de l’expérience organisée par ATD Quart Monde. « Je n’aurai jamais pensé qu’à mon âge (56 ans), je puisse faire une préqualification. Cette formation m’a permis aussi de prendre conscience de mes compétences, de mon savoir-faire et de mon savoir-être. En fin de compte, elle ne m’a pas aidé à trouver une formation diplômante, mais oser aller sans peur à un entretien professionnel. » En 2023, j’ai enfin trouvé du travail auprès d’enfants en situation d’handicap, le métier de mes rêves ! »
C’est grâce à cette formation que « je suis ici maintenant à Toulon. Parce que, en ruralité, certes il y a des choses qui ont avancé, qui se sont mises en place, mais moi je me voyais stagner. Je me disais, non je ne vais pas y arriver. Si je ne reviens pas dans ma ville natale, je n’avancerai pas, je n’avancerai plus. »
On lui a proposé d’aller vivre à la maison Notre Dame de Lourdes à Toulon. « Je me disais, c’est bizarre quand même. Lui là-haut, je pense qu’il a fait en sorte que ça se passe comme ça. Je disais toujours à ma retraite, je vais m’installer à Lourdes et faire du bénévolat à la cité saint Pierre. Bon je ne suis pas à Lourdes à la cité saint Pierre mais je suis à la maison Notre Dame de Lourdes. »
« J’ai appris par mes parents que quand j’étais bébé, je ne marchais pas. J’habitais dans le même quartier que la maison Notre Dame de Lourdes. C’est énorme, c’est énorme pour moi. ! Je travaille même à l’école non loin du lieu.»
En conclusion, Christine déclare : « J’ose prendre la parole mais aussi j’ose taper du poing. De dire quand quelque chose ne va pas ou quand les choses vont. Allez, j’y vais, j’ose le faire ! »
Son rêve désormais pour la diaconie : « J’aimerais tant que les paroisses mettent en place la diaconie, dans chaque paroisse. C’est vraiment un de mes buts. Essayer de pouvoir aller dans les paroisses, de parler de la diaconie, de leur montrer ce que c’est, de les sensibiliser à la diaconie. Pour moi c’est vraiment cette étape là que j’aurais envie de mettre en place. »
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