La grande vieillesse

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La grande vieillesse n’est-elle pas la « maladie » la plus commune Ă  l’heure actuelle presque inconnu du temps oĂą JĂ©sus vivait, et dont notre sociĂ©tĂ© ne sait pas toujours bien gĂ©rer la composante nouvelle ? Elle peut laisser les personnes concernĂ©es dans un grand dĂ©sarroi… Nous avons rĂ©ussi Ă  prolonger la vie des personnes, dans leur grande majoritĂ©, mais qu’en est-il de leur qualitĂ© de vie ? N’y a-t-il pas, trop souvent une mise Ă  l’Ă©cart qui s’opère inĂ©luctablement ?

Ce qui arrive lorsque l’âge commence Ă  faire sentir son fardeau, est certes dominĂ© par un sentiment de perte. La capacitĂ© Ă  aller au-devant des autres se trouve attĂ©nuĂ©e, et la grande vieillesse commence le jour oĂą ne demeure que la capacitĂ© Ă  accueillir ceux qui viennent, lorsqu’il s’en prĂ©sente. Cela peut reprĂ©senter une Ă©tape complètement nouvelle pour des personnes qui ont passĂ© leur vie Ă  se rendre disponible pour les autres. Une perte ? AssurĂ©ment. Mais aussi l’ouverture Ă  des rĂ©alitĂ©s tellement nouvelles.

J’ai sous les yeux ma mère de quatre-vingt-quatorze ans, qui a Ă©levĂ© avec bonheur (et non sans douleur) ses sept enfants, s’est dĂ©placĂ©e d’un bout Ă  l’autre de la France, sans compter, pendant les annĂ©es de son veuvage pour les Ă©pauler dans l’accueil et le soin de ses vingt petits-enfants, et qui, Ă  prĂ©sent, les voit venir Ă  elle avec certains de ses vingt-huit arrières petits-enfants. Les forces dĂ©clinantes lui imposent une mise Ă  l’Ă©cart, et les dĂ©placements se font tout intĂ©rieurs, et voilĂ  que cela ouvre Ă  des dĂ©couvertes inattendues.

Un exemple : une de ces petites filles vient avec son fils de quelques mois, si longtemps dĂ©sirĂ© et attendu, et le pose sur ses genoux. La première rĂ©action est nĂ©gative : « je ne vais pas pouvoir m’en occuper, je ne peux plus lui prĂ©parer Ă  manger… » « si tu pouvais seulement jouer un peu avec lui ». Et voilĂ  cette arrière grand-mère qui dĂ©couvre avec Ă©merveillement, parce qu’elle peut enfin en prendre le temps, ce qu’est un petit enfant. Et qui ne tarit plus de commentaires en le voyant grandir : « il est capable de regarder, de rĂ©flĂ©chir, de s’organiser… et de revenir faire un câlin avec tant de tendresse ! Et… vous Ă©tiez peut-ĂŞtre pareil quand vous Ă©tiez petit, mais je n’avais pas le temps de le voir… »

Ce tableau de ma mère, heureuse dans son grand âge, capable de donner du bonheur Ă  des tout petits, me donne une grande action de grâce. Elle a su ouvrir son cĹ“ur Ă  une situation nouvelle sans sombrer dans l’amertume de tout ce qu’elle ne pouvait plus faire, et dĂ©couvrir, en les laissant venir Ă  elle la vie de ce qu’elle n’avait pas le temps de voir auparavant. Au cĹ“ur de cette vitalitĂ© : une foi profonde, qui l’a conduite Ă  se donner sans compter, en faisant tout « pour la gloire de Dieu… sans chercher (son) intĂ©rĂŞt personnel ». Au terme de cette vie, sans exigence vis-Ă -vis de son entourage, elle peut » laissez venir Ă  elle » avec un regard renouvelĂ©. Elle m’est un modèle pour que les moments oĂą je peux me sentir « mise Ă  l’Ă©cart » ne viennent pas fermer mon cĹ“ur mais soient un appel Ă  ouvrir mes yeux et mon cĹ“ur Ă  de l’inattendu, « les tendresses du Seigneur ne s’Ă©puisent pas ; elle se renouvellent chaque matin » (Lm 3,22-23).

Sr Marie-Emmanuel

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