Retour sur la session diaconie de la faculté Loyola de Paris : Qui est vraiment pauvre ?
Petit résumé de l’intervention de frère Frédéric Marie le Méhauté donnée le 2/02 à la faculté Loyola de Paris dans le cadre de la session diaconie « Renaître d’En Haut avec Ceux d’En Bas »
Mais au fond on sait bien qu’on est tous pauvres !
Cet article vise à nous aider à nous mettre d’accord sur le vocabulaire que nous employons. Frédéric-Marie se souvient d’une après-midi de préparation du rassemblement Diaconia 2013 à Lourdes où l’utilisation du mot « pauvre » a créé de la violence et a provoqué des échanges assez vifs. En effet pour certains, ce mot est plus qu’un repoussoir.
Nous pouvons employer beaucoup de mots : compagnons, accueillis, passagers, personnes ayant connu la misère, etc… L’enjeu est donc de clarifier les choses pour mieux savoir de quoi nous parlons.
Afin de clarifier le vocabulaire nous allons voir 4 oppositions :
• Pauvreté versus misère
• pauvreté versus humilité
• pauvreté versus vulnérabilité
• pauvreté choisie versus pauvreté subie
Pauvreté versus misère
Guillaume le Blanc dans son livre « Vies ordinaires, vies précaires » pense que sont pauvres ceux qu’on n’entend pas, que l’on n’écoute pas.
Toute personne humaine est limitée, confrontée à la souffrance et à la mort. Mais certains connaissent la précarité économique, l’humiliation et la honte.
Il y a donc la précarité sociale et la précarité vitale.
C’est l’exemple d’une maitresse qui offre un savon pour l’anniversaire d’une élève en précarité, alors que pour les autres c’est généralement un crayon, un livre. Comment cet enfant va-t-il recevoir ce cadeau ?
C’est encore une perspective de vies différentes pour un enfant aveugle selon la famille où il va naitre : dans certains cas il pourra apprendre le braille et aller dans une école spécialisée, dans d’autres il n’aura pas cette chance
Et enfin, un diabète non soigné peut mener à l’amputation.
En conclusion la vulnérabilité c’est ce que nous avons tous en commun de par notre existence. La précarité concerne certains qui en font l’expérience.
Pauvreté vs humilité
« Anawim » signifie en grec : être courbé
Ce mot se trouve dans le livre d’Amos qui l’utilise dans le sens « être courbé sous le poids d’injustice / violence subie / humiliation ».
Ce mot évolue avec Sophonie et avec l’exil : « anaw », qui veut dire littéralement « courbitude » sa traduction va glisser vers l’humilité.
Cela se confirme dans le livre de Siracide : « grande est la miséricorde de Dieu, c’est aux humbles « anawim » qu’il dévoile ses secrets. » Cela devient une attitude de l’âme.
Peut-on être pauvre spirituellement si on n’éprouve aucun manque dans ses besoins ?
C’est la même chose dans le nouveau testament, dans le récit des béatitudes selon Matthieu ou Luc : parle-t-on de « pauvres de cœurs » ou « pauvres » tout court.
Dans Matthieu 11,5 : il est dit « La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » ; est ce que c’est la même phrase que « La bonne nouvelle est annoncée aux humbles » ?
Si l’on parle « d’option préférentielle pour les humbles », comment cela résonne en nous ?
Pourquoi est-ce si important ?
Père Joseph Wresinski disait: « Tout ce qui n’est pas fait à partir des pauvres, est fait sans eux. »
Il est donné l’exemple d’une paroisse à Marseille qui accueillait chaque semaine un groupe de personnes en précarité. Il devait rendre la salle propre à la fin. Le problème c’est que le nettoyage était mal fait. Au bout de plusieurs rencontres où la salle n’était pas laissée assez propre, la sacristine mit un ultimatum au curé : « c’est eux ou moi. ». Que croyez-vous qu’a choisi le prêtre ? Le groupe ne fut plus accueilli.
Mat 11,25 « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ? » C’est ce que s’écrit jésus sous l’inspiration de l’esprit saint. Cette citation a donné naissance au concept de « Sensus fidei » qui veut dire que tout fidèle peut dire une vérité d’église.
Attention au glissement !
Pourquoi est-ce si délicat ?
Le risque est d’entrer dans une concurrence des souffrances. Attention cette hiérarchie est absurde : « je peux parler plus parce que je souffre plus ».
Attention aussi à ne pas tomber dans le piège de la société pathophile : on devient tous la victime de quelqu’un. C’est visible avec la multiplication des « phobies » de toute sorte.
Etre pauvre ?
« La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut-être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit le plus souvent à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle tend à se prolonger dans le temps et devient persistante, qu’elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits et de réassumer ses responsabilités par soi-même dans un avenir prévisible ».
Dans cette définition Joseph Wresinski développe une dimension de cumul des souffrances qui se transmet de génération en génération.
Il n’est donc pas possible de les définir comme « sans identité », « sans voix », « sans… »
Le pauvre ou le plus pauvre ?
Attention à ne pas créer un entre soi et toujours chercher à être ouvert au plus pauvre.
Attention : La misère ne contient aucune révélation ! Elle est juste à détruire.
C’est parce que Dieu choisit ces situations là qu’elles deviennent des lieux de rencontres et de révélations. On veut écouter le combat de celles et ceux qui vivent cette situation.
Les personnes rencontrées ne sont pas fragiles.
Elles ont une vraie force.
Difficile de se reconnaitre comme « le pauvre » mais c’est beaucoup plus facile de se reconnaitre comme « les pauvres ».
Ne pas être un cas social mais appartenir à un collectif est beaucoup plus facile.
C’est l’exemple de Bernard, venu à Lourdes, et qui était fier de faire partie du « groupe du quart monde »
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Une Église pauvre pour les pauvres
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