Thème 6 : Des savoir-faire à partager – Témoignage

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Rappel : pour chaque thème, on vous propose :

  • Un passage d’Évangile et une méditation proposée par l’un des groupes de partage de la Parole de personnes précaires
  • Un témoignage
  • Une invitation à une journée « Portes ouvertes » pour découvrir une réalité et des informations pratiques sur les autres visites proposées dans la crédenciale

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Thème 6 : DES SAVOIR-FAIRE À PARTAGER

Témoignage

 

Se mettre à l’écoute des savoir-faire des personnes en situation de pauvreté 

Extraits du livre Je vous écris du fond du coeur récit de la vie de Claudette Berthon co-écrit avec Michèle Monte

 

Chapitre 6 : Les clubs d’enfants et le comité de locataires

 

Nous nous entassons dans ces cités 

Comme arrimés à un bateau – la misère

Pris au piège de la misère

Présente chaque jour.

Qui vient nous voir, nous écouter ?

Le maire avant les élections.

Mais nos cités s’éveillent avec les cris des gamins

Les rires joyeux des bambins.

 

Au début, je ne laissais pas les gosses jouer en bas : dès qu’ils descendaient, c’était la bagarre, et moi, je me mettais au milieu. Puis je me suis dit : « Bon, puisque tu ne veux pas que tes gosses aillent en bas, il faut que tu trouves une solution : les copains, il faut les faire venir à la maison. » Il n’y avait rien sur la cité. Avec les parents, on discutait, on discutait. on avait envie de faire quelque chose; mais je ne savais pas comment il fallait s’y prendre pour monter un club. J’ai entendu parler de l’École des parents (l’École des parents et des éducateurs est une association qui soutient les familles et les professionnels dans les domaines de la parentalité, de la vie familiale et de l’adolescence.) et j’y suis allée. Une dame m’a bien reçue, je lui ai expliqué mon problème. C’est là que j’ai appris à faire des tas de bricoles, des perles, des animaux…

C’est comme ça que j’ai démarré. Après, ça s’est agrandi; il y a des messieurs qui m’ont aidée, des parents du quartier se sont mis dans le coup, ça s’amplifiant. On avait écrit plein de lettres, on est allées à la préfecture, pour être inscrits, déclarés association 1901.

L’association s’appelais le Mille Club des petits amis, parce qu’on avait entendu dire qu’un « Mille Club » ça nous donnait plus de possibilités; et puis « les petits amis », ça correspondait : il n’y avait pas de racisme, ni de politique. Le logo, c’était deux enfants qui se tenaient par la main, une main noire et une main blanche, avec des petits poussins qui étaient derrière, c’était chouette cette image. on faisait des activités à la maison.

Les gosses demandaient que ça change dans le quartier, et on a fait des actions. Par exemple, ils ont nettoyé la cité. Après, j’y ai pris goût. J’ai vu que l’avançais. Les enfants étaient formidables. Dans ma salle, j’ai eu jusqu’à trente gosses, les plus terribles de la cité. Tout le monde disaient qu’ils allaient me voler mais les enfants avaient compris que je les aimais tels qu’ils étaient et rien n’a disparu, jamais. Et puis, il y avait des dialogues sur des tas de choses…Je me souviens d’un jour où on a discuté sur la religion et je suis arrivée à leur faire comprendre que Dieu ou Allah c’est le même, qu’ils pouvaient prier dans une église ou une mosquée, c’était pareil, leur prière était entendue.

Une autre fois, je me suis aperçue que les plus grands chuchotaient entre eux; alors, sans en avoir l’air, je leur ai demandé s’ils avaient un problème, que peut-être à plusieurs on pourrait le résoudre. Ils m’ont dit qu’il y avait un homme qui couchait dehors ou dans la cave. Ensemble on est allés lui porter un litre de café que  j’avais fait chauffer. Pour qu’il mange, je lui ai donné dix francs, mais au lieu de mangé, il est allé boire. Les gosses étaient déçus, ils ne pouvaient pas comprendre ça.

Une autre discussion, c’était sur le vol. Moi, ça me met hors de moi quand des gosses me disent : « Enfin, Claudette, qu’est-ce que ça veut dire voler ? Voler, pour nous, c’est chaparder. » Ce qui traîne, ils le ramassent et pour eux ce n’est pas voler, c’est chaparder, c’est amusant. Eh bien, tu les écoutes parler, tu te poses des questions, tu discutes avec eux ! On ne peut pas dire que c’est moi qui apporte à l’enfant, c’est l’enfant qui m’apporte. Mais lui aussi, lorsque tu lui poses une question, il va chercher, et tu vas avancer avec lui. Mais bon, ça, je ne l’ai pas compris tout de suite, c’est venu après.

A ce moment-là, j’avais une assistante sociale sensationnelle ! Je l’avais connue à l’Oratoire. Elle m’aidait beaucoup, et me poussait à faire des démarches. Elle savait que quand j’allais la voir, c’est que je n’arrivais pas à résoudre un problème. Elle n’essayait pas de le résoudre pour moi, on le voyait ensemble. Elle était d’un sacré secours ! Ce n’était pas qu’une AS, c’était une amie, quoi.

J’avais écrit au président du Comité d’intérêt local (CIL) et, un jour, quelqu’un du CIL est venu me dire : »Le président aimerait bien vous voir. » J’y suis allée, on a accroché tout de suite, et je suis entrée au bureau du CIL. Chaque fois, le président me disait : »Madame Berthon, il faut monter quelque chose, il n’y a que vous qui puissiez le faire. » A force d’entendre « il n’y a que vous, il n’y a que vous », j’ai commencé à discuter avec d’autres locataires et on a crée un comité. Au départ, on était cinq ou six, puis après ça a grandi. On a beaucoup écrit, on a fait trente-quatre lettres. On a demandé que La Poncette soit nettoyée, ça a été fait; on a demandé le téléphone, ça a été fait; on a demandé un stade, des terrains de boules, ça a été fait; le jardin, les toboggans, les pelouses, ça a été fait; la dératisation, le changement des poubelles, ça a été fait. On a presque réussi à 100%.

 

Je viens d’une cité entourée d’un mur

Le mur de la honte

Miroir qui reflète la haine des autres

Dans cette cité

Habitent l’amitié et la solidarité

Enfermés dans cette cité

Nous gueulons notre colère

Notre désir de liberté

 


Pour approfondir : 

Acheter le livre Je vous écris du fond du coeur 

Dans le même sujet : acheter le livre Pour une nouvelle philosophie sociale, transformer la société à partir des plus pauvres

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