Thème 5 : Des espaces où renaître – Témoignage

Rappel : pour chaque thème, on vous propose :
- Un passage d’Évangile et une méditation proposée par l’un des groupes de partage de la Parole de personnes précaires
- Un témoignage
- Une invitation à une journée « Portes ouvertes » pour découvrir une réalité et des informations pratiques sur les autres visites proposées dans la crédenciale
Thème 5 : DES ESPACES OU RENAITRE
Témoignage
« J’ai retrouvé la liberté intérieure »
une personne détenue à la maison d’arrêt de Montauban
En juillet 2017, je suis parti travailler du côté de Lourdes et cela a été comme si une force, une voix ou quelque chose m’appelait à la Grotte.
Il faisait chaud et sec, la grotte aussi l’était, j’avais acheté dans un des magasins deux crucifix conseillés par la vendeuse qui avait l’air de savoir pourquoi j’étais là: bizarre! Un crucifix pour mes erreurs, un autre pour Cathy, ma femme. Je les avais dans le creux de mes mains quand j’ai terminé une prière tant bien que mal reconstituée après tant d’absence de prière – mais peu importe – j’étais certain d’être au bon moment et au bon endroit lorsqu’en relevant la tête devant Marie, une goutte d’eau est venue, de je ne sais où, s’éclater sur les deux crucifix… Waouh! Un signe? Je ne sais pas, mais quelque chose venait de se passer, je le sentais, un sentiment bizarre comme un soulagement mais qui m’annonçait l’arrivée d’une tempête, je le comprendrai plus tard.
De retour à la maison, j’ai donné le crucifix à Cathy en lui faisant un signe de croix sur le front ainsi qu’à mes filles et mon petit-fils.
Dès lors, c’est comme si j’avais appuyé sur le bouton «Start », tout est allé très vite, c’était le moment de passer à la caisse: les langues se sont déliées et « l’irréparable » a fait surface, je venais de perdre la confiance de Cathy, Justine et Axelle. Je prenais un premier coup, avec la demande de divorce, et ensuite je me suis rendu à la gendarmerie pour affronter le jugement des hommes sur les faits que j’avais commis. Je revois la tête du gendarme quand j’ai avoué mes fautes, je crois qu’il n’a jamais eu un interrogatoire aussi facile de toute sa carrière. Je vidais mon sac, j’avais fini de creuser mon gouffre, sensation bizarre: comme une libération.
J’ai tout perdu…
Je suis rentré en prison anéanti. J’ai tout perdu en sept ans, parents, frères, ma famille. Je ne voyais plus aucune raison de vivre, le suicide me paraissait la seule chose à faire, mais une « petite voix» me disait qu’il ne fallait pas que je fasse comme Papa, il fallait que j’assume mes erreurs et j’ai fait la demande de rencontrer l’aumônier catholique de la prison. Et une porte, de sortie?
C’est là que j’ai fait la connaissance du prêtre, Jean-Paul, à qui je me suis confié non sans une grande souffrance, mais je sentais en moi que c’était l’intermédiaire pour demander pardon à Dieu. Quel soulagement! Comme une délivrance…
Tout n’était pas réglé, mais je venais de commencer, sans m’en rendre compte, ma reconstruction. Cela a été suivi par un passage en soins à l’hôpital, la tête en avait pris un coup. Je priais la Vierge Marie chaque soir sur un chapelet donné par le diacre Serge avec qui nous nous sommes confiés mutuellement l’un à l’autre: on me faisait de nouveau confiance…
Par la suite j’ai fait la connaissance de Sophie, avec qui j’ai aussi beaucoup parlé et à qui je confie l’histoire de ma vie: je lui fais confiance. Un jour, elle m’a fait une métaphore qui disait et restera à jamais gravée dans mon cœur: « Tu es comme un rosier, quand il est enraciné, il donne de jolies fleurs, mais il arrive un temps où il faut le tailler pour qu’il soit plus fort et qu’il donne de plus belles fleurs. » J’en suis au stade des bourgeons.
Demander pardon
En travaillant sur la Bible, j’ai souvent retrouvé le chiffre 7, je l’ai souvent rencontré dans ma vie par hasard, numéro de téléphone, numéro fétiche, numéro de maison et j’en passe: coïncidence ou pas? Je me suis retrouvé dans les textes, depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse des évangiles. Je voyais ma vie défiler. C’est devenu mon livre de chevet. J’ai pris conscience de mes erreurs, sobre et sans drogue, de la douleur qu’a dû ressentir Cathy en apprenant « l’irréparable ». Cette faiblesse que j’aie eue, cette erreur, je n’aurais jamais dû attendre pour lui en parler. Mais qu’est-ce que j’ai fait? Je n’ai toujours pas avalé la pilule de la honte et je pense qu’elle n’y arrivera pas de son côté. J’ai détruit tout ce qu’un homme rêve d’avoir.
Chaque jour que Dieu fait, je lui demande pardon, pardon à Cathy, pardon à mes filles, pardon à tous ceux que j’ai blessés de près ou de loin. Petit à petit, comme le temps sait le faire, je remonte la pente, j’essaie de reprendre goût à la vie, j’ai retrouvé l’amour de Dieu, notre Sauveur; le contact avec les autres me paraît moins compliqué grâce aux cours bibliques et j’ai remarqué que je n’étais pas le seul dans le désespoir et qu’ensemble, on était plus fort, surtout quand il y a une oreille pour vous entendre et écouter tout ce passé, lourd, très lourd à porter seul. j’avais perdu confiance
en l’homme.
Je sais que je vais être privé de liberté pour un bon moment, mais ce n’est que la liberté physique, peu importe, si c’est le prix à payer des « hommes ». C’est normal, il faut que je règle la note. Une chose est sûre, c’est que j’ai retrouvé la liberté intérieure, j’ai retrouvé la foi, foi en Dieu. Je n’ai plus cette charge sur le cœur car le Seigneur Jésus-Christ s’en est chargé sur la croix. Il m’a pardonné. Je ne le remercierai jamais assez de m’avoir libéré de ce lourd fardeau, de m’avoir aidé à retrouver un cœur léger et gros à la fois, car blessé par une plaie béante qui ne cicatrisera pas.
Je remercie Marie de m’avoir ouvert la porte- comme Maman le faisait quand j’étais petit – à mon passage à Lourdes. Je remercie infiniment Jean-Paul, Serge et Sophie, qui ont fait un travail prophétique remarquable. J’ai peut-être tout perdu dans ce monde, mais j’ai la certitude d’avoir, grâce à leur travail, retrouvé ma foi, l’amour du Seigneur.
La liberté se trouve en chacun de nous
Je ne vois plus la mort comme une solution punitive, mais comme une fin physique, une délivrance charnelle de mon esprit vers l’Éternel, vers Dieu…
Je me suis tatoué « Carpe diem» en grand sur mon avant-bras pour envoyer un message à tous ceux qui le liront, qu’ils n’oublient pas que la vie vaut d’être vécue, que c’est un éternel recommencement, qu’il ne faut pas baisser les bras et que, chaque jour, Dieu fait qu’il y aura toujours une ou plusieurs bonnes choses qui vont arriver. Il suffit de les voir, d’en prendre conscience.
Cela commence tout bêtement par réussir à se lever de son lit le matin, appuyer sur un bouton pour avoir l’eau chaude, avoir un toit – même en prison – et que la liberté se trouve en chacun de nous. Il suffit d’ouvrir son cœur et personne ne pourra enlever la liberté de penser de quiconque, elle nous appartient à jamais, que ce soit par des choix religieux, chrétien, protestant, orthodoxe, musulman, etc. Le tout, c’est d’aimer.
On peut se retrouver en prison et être libre à la fois, bien plus libre que certaines personnes à l’extérieur, moi-même j’en ai fait l’expérience. Je m’étais emprisonné sans m’en rendre compte, prisonnier de mes erreurs, de mon travail, d’un système dans lequel vous vous engagez et qui ne vous donne plus le choix, vous vous rangez parmi les moutons. J’avais créé mon entreprise en croyant que cela allait nous mettre à l’abri dans un lit douillet, c’est tout le contraire qui s’est passé. À l’abri de quoi, en fait? Je suis passé à côté de l’essentiel: l’amour des miens, de ma famille, de mes amis. Je n’ai rien vu venir. C’est ça, la liberté?
Le Seigneur, ma source de Vie Maintenant, après dix-sept mois de détention provisoire, je prie Dieu tous les jours en demandant pardon à tous ceux que j’ai fait souffrir et, si nos chemins ne se recroisent pas, qu’il en soit ainsi, c’est la volonté du Seigneur. Mais je sais une chose, même si j’ai perdu l’amour de Cathy, Justine et Axelle, je ne les ai jamais autant aimées que depuis que je suis en prison grâce à l’intervention du Seigneur. Il est devenu ma source de Vie.
Témoignage extrait de « La Lettre de l’aumônerie catholique des prisons », n°164, décembre 2019
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